Un dahlia
Courtisane au sein dur, à œil opaque et brun
S'ouvrant avec lenteur comme celui d'un bœuf,
Ton grand torse reluit ainsi qu'un marbre neuf.
Fleur grasse et riche, autour de toi ne flotte aucun
Arôme, et la beauté sereine de ton corps
Déroule, mate, ses impeccables accords.
Tu ne sens même pas la chair, ce goût qu'au moins
Exhalent celles-là qui vont fanant les foins,
Et tu trônes, Idole insensible à l'encens.
- Ainsi le Dahlia, roi vêtu de splendeur,
Élève sans orgueil sa tête sans odeur,
Irritant au milieu des jasmins agaçants !
Paul VERLAINE, poèmes saturniens (caprices/1866)
Ici une analyse sympa du poème (clic)
J'ai laissé Verlaine parler, cependant avez-vous déjà coupé un dalhia? Souvenir odorant difficile à transmettre par écrit, très ancien, nettement reproductible - les images de jardin, de sourires, de gestes tendres ressurgissent, j'avais moins de 4 ans: le Grand-Père, s'y associe une odeur d'huile de vidange, de vieux 'véhicules' rouillés à ne pas approcher, de compote de pommes, de chambre au couvre lit rouge, d'escalier, un peu sombre (enfin très effrayant), la salle de bain immense et sans fenêtre, l'odeur particulière du lieu, une appartée. Pas de souvenir identique de la maison à cet âge. Tout en écrivant, les souvenirs reviennent interessant!
Couper une feuille abîmée de tournesol, les odeurs sont approchantes et pourtant le tournesol 'ne sens même pas la chair', Verlaine a choisi d'écrire la beauté de l'image dalhia, la femme image (j'ose)